BROOKLYN. 7 ANS. 14h00 PM.

« C’est. C’est. C’est pas drôle. Lai-lai-laissez moi tranquille.» C’était pire que jamais. Surement parce que le pourpre envahissait la majeure partie de son visage, que sa lèvre d’en bas tremblait sous la pression des larmes qui voulaient couler de ses petits yeux vitreux. L’envie d’éclater en sanglots se faisait de plus en plus oppressante, mais elle ne voulait pas paraître pour une pleurnicharde. C’était pourtant le cas. La petite était trop sensible et elle risquait d’éclater au moindre mot de plus, à la moindre petite moquerie qui sortait de la bouche des autres. Elle n’y pouvait rien, elle avait du mal à parler correctement quand elle était devant les enfants de sa classe et qu’elle devait se présenter ou parler d'un sujet quelconque. C’est la gêne qui modifiait son comportement et plus les autres s’attardaient sur elle, plus ce petit bégaiement n’en devenait que plus gros. Les moqueries fusaient. Elle restait dans son coin, incapable de prendre le contrôle de la situation. Dans un coin de la cour de récréation, elle était la proie d’un petit groupe d’enfant qui tentait de monter l’échelle hiérarchique de la popularité. Jasmine. La proie facile de n’importe quel enfant qui avait besoin de se remonter en dégradant. Les enfants étaient les plus cruelles de tous, ne se rendant pas compte ô combien les mots étaient crus et blessants. Les enfants. Ils possédaient cette fragilité, mais ne possédait aucune pitié. La petite chose allait éclater en sanglot, mais une voix familière se fit entendre. Son frère. Un de ses trois frères. Le plus vieux. « Vous allez lui foutre la paix ou je vous éclate la tête sur le ciment.» Ses yeux bouffis se levèrent pour regarder son petit frère qui gueulait à pleine voix. C’était efficace puisque les autres venaient de foutre le camp en courant jusqu’à l’autre bout de la cour de récréation. La routine. Elle dans un coin sur le coin de pleurer à cause des autres. Si elle n’était pas si timide, elle arriverait surement à placer un mot, mais elle se sentait confortable quand un de ses frères courait à son secours. Elle était la petite poupée. La petite princesse.

BROOKLYN. 21 ANS. 19h00 PM.

« Tu es prêt?» Elle avait toujours appréhendé ce moment. Celui où elle allait officialiser cette relation qu’elle entretenait avec Clyde. Il n’afficha qu’un sourire en guise de réponse. Ils s’aimaient. Elle l’aimait. Leur relation durait depuis plus de cinq mois et il n’avait jamais pu mettre les pieds chez elle. Par peur. Peur de voir qui ne passerait pas les millions de questions que sa famille allait surement lui poser. Peur de voir la réaction de son copain quand il sentirait les regards de ses trois frères le scruter sans gêne. Il avait su se faire une place dans sa vie, et ça n’avait rien de facile de voler le cœur de Jasmine. Parce qu’elle avait peur. Peur de tellement de choses et ces peurs, elle les gardait précieusement sans en parler. Leur relation devenait sérieuse. Le temps passait et elle avait fini par céder à ses demandes. C’était logique. Il avait envie de s’impliquer dans sa vie. Il était parfait, surement un peu trop, mais il était encore un peu trop tôt pour qu’elle s’en rende compte. Étude en médecine. Impliqué dans des causes humanitaires. Aimant. Parfait. Ce n’était qu’un rêve qui allait finir par lui éclater au visage un jour ou l’autre, mais pas pour l’instant. La blonde ouvrit la porte de sa demeure. La famille était à la table. Un de ses frères lança rapidement. « Jas. On t’attendait. Tu peux nous dire ce que tu es en train de manigancer.» Le rouge lui monta rapidement aux joues quand elle entra et que Clyde fit de même. « Je. Je. J'aimerais avoir votre attention.» Elle détestait quand ce petit défaut revenait faire surface. Sa gorge se serra. Elle fit un pas en direction de sa famille. « Je vous présente Clyde, ca fait maintenant cinq mois que nous nous fréquentons.» Son coeur s'emballa et la main dans son dos eu le don d'apaiser ses angoisses. Le silence s’installa et contrairement à ce qu’elle pouvait penser, la nouvelle passa bien. Un rire commun éclata dans la salle. Ses frères se levèrent pour venir à la rencontre de sa soeur et de l'homme qu'elle cotôyait depuis des mois. Ils savaient. Ils n'étaient pas stupides. « Eh bien, eh bien. Qui est assez fou pour supporter cette petite princesse.» Le rouge lui monta aux joues. Elle prit place à la table près de Clyde. La soirée se déroulait bien. Ça n’empêcha pas les centaines de questions pour savoir s’il était parfait pour être avec elle. Heureusement que Clyde avait une patience exemplaire.

BROOKLYN. 24 ANS. 8h00 AM.

Elle lui faisait étrangement confiance, à cet homme qu’elle assistait depuis quelques mois. Il avait vu en elle plus que les autres, ne se fiant pas à cette timidité qu’elle avait du mal à vaincre depuis des années et qui lui pourrissait la vie depuis les fins de ses études. Depuis son insertion dans cette entreprise, elle arrivait à s’afficher et s’affirmer un peu plus. Monsieur Burtham avait su la mettre à l’aise et gagner sa confiance. Elle avait foi en son jugement et ses capacités, elle lui donnait sa confiance aveuglement et se donnait entièrement pour être à la hauteur de ses attentes. Vaincre cette timidité maladive et avec le temps, elle avait su contrôler cette petite faiblesse de langage qui lui faisait honte. Ca avait tendance à revenir d’assaut quand elle sentait la gêne s’emparer, quand elle se laissait posséder par les sentiments divers. Elle le savait malade et la jeune femme allait devoir s’habituer à travailler avec quelqu’un d’autre, son fils. Le fils de son patron. Elle. Cette petite fleur fragile qui avait du mal à s’ouvrir allait devoir tenter de lui accorder sa confiance et travailler à ses côtés. Elle était intelligente, elle savait comment gérer, comme prendre des initiatives, mais elle avait l’impression qu’elle allait devoir recommencer à la case départ, parce que vaincre ses démons n’avait rien de facile. Dans le fond de son petit bureau, elle jeta un rapide regard à sa silhouette dans le miroir. Une robe classique noire, sa longue chevelure d’un blond de blé qui tombait en cascade sur ses épaules. La nervosité se faisait ressentir et elle ne voulait pas faire mauvaise première impression. La porte du bureau de patron retentit dans le couloir, elle savait qu’il venait d’y entre. La demoiselle quitta sa place pour se mettre en marche. Elle devait se présenter calmement et ne pas avoir un défaut de langage, ça lui ferait honte.

Quelques pas en direction de la porte qu’elle contemple un moment avant d’y asséner quelque coup discret, mais assuré. "Entrez." La voix d’un homme se fit entendre de l’autre côté, froid et charmante à la fois. Jasmine avait vu des photos de son fils, assez pour dire qu’il avait un physique plaisant, mais elle ne le connaissait pas. Un moment d’attente. Un moment de réflexion avant de prendre son courage à deux mains et d’ouvrir la porte pour se confronter à son regard d’un bleu acier. Il dégageait ce quelque chose de troublant sur quoi elle ne pouvait mettre de mot et ça la troublait. Au risque de paraître un peu timide, elle préférait attendre avant de parler et de perdre le fil de ses mots. "Oui ?" Son palpitant faisait des siennes dans le fond de sa poitrine, elle ne voulait pas perdre de sa superbe, elle voulait faire le poids. La demoiselle sentit le rouge lui monter aux joues. Elle était comme ça. Lutter contre sa nature serait un acte de suicide. Hadley ne pouvait pas faire semblant, mais elle pouvait prendre son temps pour ne pas qu’il remarque sa difficulté légère à s’exprimer quand elle ne se sentait pas à son aise. Les mots qui roulaient avec difficulté sur sa langue quand elle se retrouvait dans une situation qui sortait de sa zone de confort. « Bonjour, je suis Jasmine Hadley, l’assistante de votre père. J'ai pensé que vous auriez peut-être besoin de mon aide pour vous mettre à jour sur ses affaires...» Elle n’avait pas envie de perdre le fil des affaires ou se faire mettre de côté parce qu’elle n’était pas son choix. Un sourire timide se grava sur les lèvres de la blonde alors qu’elle détourna le regard après un moment. Son regard. Le regard de Brecon avait quelque chose de perturbant qui la rendait fébrile et elle n’aimait pas se sentir de la sorte. "Merci. Je vous appellerai." Elle reste là. Un moment. Indécis sur l’attitude à adopter face à lui, affrontant les démons qui la hantent depuis toujours pour ne pas céder à la gêne. Foutue gêne qu’elle méprise, mais qu’elle n’arrive pas à contrôler, surtout pas quand elle se confronte à de nouvelles personnes. La demoiselle finit par tourner les talons pour se diriger vers son propre bureau et sa voix se fait entendre à nouveau. Un regard vers l’arrière afin de l’observer. "Mademoiselle Jasmine ? Je sais parfaitement qui vous êtes." Elle n’ajouta rien. Elle ne savait pas comment elle devait se sentir face à ce commentaire, flattée ou effrayée. Un sourire qu’elle posa sur ses lèvres. Au risque de laisser échapper une phrase incontrôlée, elle préférait s'enfermer dans son bureau et attendre l'appel, attendre qu'il vienne à elle.