" Your unconditional love takes me to paradise.
Before you I was blind and with you there's no disguise "
tumblr - lyrics : lenny kravitz

Les deux mains apposées sur le clavier de l’instrument à cordes frappées, tu hésites sur la première touche. Emprunte aux doutes puis à l’indécision. C’était toujours ainsi lorsque tu devais produire une nouvelle composition, le tout dans un temps imparti et on ne peut plus restreint. Le manque de temps ne relevait que de ta seule faute et uniquement de la tienne. Pouvait-on te blâmer de perdre le chemin de l’imagination alors que tu venais de le perdre ? Pouvait-on t’en vouloir de commencer à courber l’échine face au poids de son absence ? Tu ne savais pas, tu ne savais tout simplement plus. Liam te manquait à chacun de tes pas, chacun de tes regards posés au coin d’une ruelle ou encore tournés vers le ciel. Ce dernier était-il assez grand, assez dense pour lui faire parvenir tout l’amour que tu lui portais quand bien même il se traduit par la peine et la douleur. Tu fixes les morceaux de papier à musique que tu avais commencé à griffonner, ils te rappellent de manière haletante et pesante l’enveloppe que t’avais apporté son capitaine de mission. La souffrance du déni t’avait alors réduite au silence, transporté dans un monde qui semblait être une parodie de la tienne. Liam – hautement gradée dans la navy – avait perdu la vie au sein d’une mission à l’étranger. Un tir de balle, mort avec dignité et honneur pour avoir sauvé une autre existence celle d’un tout jeune soldat. Une raison d’atténuer qu’il soit décédé en vain, mais pour toi cela ne suffisait pas à panser le trou béant qui se formait dans ta poitrine. Passant une main dans tes cheveux comme pour te donner une nouvelle contenance, tu poses tes deux mains sur tes genoux lorsque la porte du bâtiment grince légèrement laissant ainsi entrer la silhouette coutumière de Luke. Ce dernier te toise d’une expression mystérieuse et silencieuse à la fois. Tu lui renvoies un maigre sourire mélancolique avant de te lever pour venir l’aider à saisir des cartons de paperasse. « Laisse-moi te donner un coup de main. ». Lui dis-tu tout en prenant le deuxième carton empilé sur le premier. Luke était le meilleur ami de Liam, ils possédaient le genre d’amitié nécessaire pour se faire mutuellement confiance, une amitié de longue date qui faisait force de loi en dépit des chemins divergents qu’ils avaient tous les deux prix. A l’annonce de son décès, le jeune homme avait tout de suite été un pilier de soutien pour toi. Et bien que vous vous connaissiez depuis longtemps, tu devais avouer que sa présence apaisait quelque peu le deuil. Il ne dit pas un mot, avant d’avoir fait le tour du comptoir son visage observant tour à tour le piano installé sur la scène et ta propre personne. « Tu n’arrives toujours pas à poursuivre ta composition. ». Un timbre de voix pondérée et soucieux dans son intonation. Son interrogation était loin d’en être une, en vérité il s’agissait plutôt d’une assertion constatée plus qu’une simple demande. Ton sens de la créativité semblait entraver entre la lumière et l’ombre, comme une peur s’installe après un traumatisme un mauvais souvenir. Tu secoues la tête tout en t’installant sur l’un des tabourets en cuir noir. Luke contourne à nouveau le bar pour venir s’asseoir à ton coté, ses mains chaudes venant saisir les tiennes. Son contact te surprend, assez pour capter ton attention. « Ca va aller, et tu sais que tu peux compter sur moi. Je sais qu’il n’y a que le temps pour arranger les choses Nohe, mais ne te laisses pas emporter si loin. ». Déclare-t-il doucement tout en relevant ton menton à l’aide de sa main gauche. Les yeux dans le vague, bordée par le lointain, tu reviens très vite au rivage de l’intensité de ses yeux alors qu’il te caresse la joue avant de te prendre dans ses bras. Une étreinte protectrice et sincère mais également emplit d’une ambiguïté et d’un sentiment que tu ignores encore.