But now I'm walking by myself, Out in the middle of nowhere

× Everyone I have cared for has either died or left me. Everyone - fucking except for you!

La trace que les menottes avaient laissée sur ses poignets semblait indélébile. Baissant les yeux sur ses mains libres, Archie ne savait pas quoi faire. Là. A quelque mètre seulement. Elle était là. Le jeune Reed ne savait pas quoi faire, pas quoi dire non plus. Planté à l’entrée du parloir, le blond était figé comme une statue de marbre. C’est alors que, sans ménagement, le garde présent le poussa vers l’intérieur en grommelant qu’ils n’avaient pas que ça à faire. Ayant légèrement perdu son équilibre, le jeune détenu tituba jusqu’à la chaise où il devait s’asseoir. De l’autre côté de la glace se trouvait Casey. Les yeux humides, les traits tirés, la jeune femme observait son ami de toujours. Une semaine. Voila le temps qui s’était écoulé depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus au tribunal. Pourtant, l’un comme l’autre, ils avaient l’air différent. Archibald semblait plus frêle, les épaules voutées, le regard frôlant toujours le sol alors que son sourire charmeur avait disparu de son faciès. Casey… Casey était différente. Son regard portait un poids qu’une jeune femme de son âge n’aurait jamais du avoir à porter. Ses yeux larmoyants avaient bien du mal à retenir les ruisseaux de douleur qui menaçaient de déborder à gros bouillons chauds et salés. Assis face à sa plus vieille amie, Archie ne savait pas quoi faire, pas comment la regarder. Il savait qu’il était celui qui lui faisait du mal, il savait que perdre ce procès était en train de détruire son amie, mais il ne pouvait rien y faire. Il ne pouvait pas reprendre les droits qu’il avait écrasés sur le visage de ce petit bourge. Il ne pouvait pas reprendre les coups qu’il avait donnés. Seul architecte de sa chute, le blond savait qu’il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même, à son tempérament instable et l’alcool qu’il avait bu ce soir là. Casey n’y était pour rien, même ce type qui avait traité sa meilleure amie de salope n’y était pour rien. C’était sa faute à lui. Lui qui n’avait pas su se contrôler, lui qui avait donné le coup de trop, lui qui avait ôté la vie  d’un inconnu. Attrapant le téléphone accroché à sa droite, il porta ce dernier à son oreille, observant Casey faire de même. « Archie… » Son nom tremble sur les lèvres de sa meilleure amie. Elle n’a pas la force, il le savait, il le sentait. Elle essayait, du mieux qu’elle le pouvait, elle essayait de toute ses forces de tenir la distance, retenir ses larmes, mais rien n’y fait. Elle n’a jamais été le genre de fille à tenir la distance, le genre de fille capable d’avancer sous la pression. « Hey Casey… » Arriva t’il à peine à souffler avant qu’elle ne cède, deux ruisseaux salés s’écoulant le long de ses joues. « Arrête, s’il te plait, ne pleure pas. » Murmura  douloureusement le Reed dans le téléphone. La seule chose qu’il désirait à cet instant était de pouvoir la prendre dans ses bras, mais rien n’y fait, il se trouve du mauvais côté de la ligne. Ravalant difficilement ses propres larmes, le jeune homme garda le silence un instant avant que la brune ne renifle bruyamment en tentant de faire de même. Les yeux rougis de la belle lui brise le cœur et il ne pouvait plus l’ignorer. Archie sentait ce qu’elle ne pouvait dire, il voyait cette sentence se répéter en boucle dans son regard. Coupable. A l’image des jurés qui l’avait condamné, elle portait le même verdict dans ses yeux débordants de larmes et d’où il était il ne pouvait rien y faire. Il tenta, du mieux qu’il pu il tenta de retenir le gémissement de douleur qui s’échappa de sa gorge alors qu’il détournait le regard, cachant sa tête entre ses bras, le téléphone toujours contre son oreille. « Je suis désolé… je… » Retenant un sanglot, le blond ne pu rien contre les larmes qui déjà coulait le long de ses joues recouvertes d’ecchymoses. Non, les autres prisonniers n’avaient pas ratés le nouveau et non, le gamin un peu trop bagarreur n’avait pas su courber l’échine. Il avait mal. Mal au cœur. Mal aux côtes et ce n’était pas à cause des coups qu’il avait reçu ces derniers jours. Il sentait son organe cardiaque se déchirer douloureusement alors que la chaise de Casey raclait bruyamment le sol quand sa propriétaire s’éloigna de la glace le combiné toujours entre les mains. « Tu peux pas… tu peux pas partir comme ça Casey. Tu p-p-peux pas me laisser Casey, j’ai personne. J’ai plus personne sauf toi. » Sa voix était rauque, ses mots trébuchants. Archie ne savait pas quoi faire pour rattraper la jeune femme qui était en train de lui glisser entre les doigts. Il n’avait rien à lui offrir, aucune promesse qu’il pourrait la retenir. Il n’avait plus rien. Plus de présent. Plus de futur. « Je saurais pas Archie… j’ai pas la force… » Levant les yeux, le blond se redressa, renversant au passage la chaise sur laquelle il était. Dans son dos, les gardes se mirent à l’observer de loin en se demandant ce qui était en train de se passer. « J’espère que tu sauras me pardonner. » Après avoir reposé le combiné, Casey l’observa un instant. Les cernes sous ses yeux, la pâleur de son visage ainsi que les marques déjà présentes sur son faciès. Elle ne pourrait jamais revenir. Elle n’en avait pas la force. Alors, même si elle devait laisser son cœur derrière elle-même, même si ça signifiait sa mort à lui, ils ne pouvaient pas mourir tout les deux dans cette histoire. Les amoureux transis ne se suicident que dans les tragédies. Dans la vraie vie, lorsqu’un disparait, l’autre reste derrière, continue sa vie en espérant que les choses se soient passées autrement. Archibald ne pouvait rien faire, spectateur de sa propre déchéance. Il pouvait sentir l’impuissance se nouer autour de sa gorge alors que Casey le fixait de l’autre côté de la vitre. C’est alors que l’abandon se transforma en autre chose dans ses veines. Sans prévenir, le détenu se jeta sur la vitre pour taper contre cette dernière. Les poings serrés, il les abattait encore et encore contre le morceau de glace censé les séparer. « CASEY ! TU PEUX PAS FAIRE CA ! TU PEUX PAS ! » Hurla t’il, ses mots de moins en moins compréhensible alors qu’il s’acharnait de plus en plus contre la vitre. Les gardes ne mirent pas longtemps à le presser contre le sol, usant de leurs matraques pour calmer le jeune Reed qui venait de voir disparaître sa meilleure amie. La seule personne qui était restée contre vents et marées. Mais c’était pas ça le pire dans cette histoire. Le pire c’était qu’il la comprenait.

× Shadows settle on the place, that you left. Our minds are troubled by the emptiness.

Le jeune homme qui était rentré presque sept ans plus tôt en prison n’avait plus rien à voir avec l’homme qui en était sorti. Le garçon propre sur lui, possédant un avenir radieux, une bourse d’étude pour une école prestigieuse et toute sa vie devant lui avait fini par disparaître quelque part en route. Surement mort, jeté vaguement sur le bas côté, le gamin qu’était Archie n’était qu’une réminiscence que l’homme qu’il était devenu préférait oublier. C’était fou la manière dont les années avaient réussi à le faire s’habituer à plein de petites choses. L’étroitesse de sa cellule, le bruit que faisaient les gardes la nuit durant leurs rares rondes, ce son extrêmement désagréable que faisaient les vieux néons en attente d’être changés, l’absence de lumière… Allongé dans son lit, depuis sa libération le Reed n’avait pas réussi à faire une nuit complète. Il y avait toujours quelque chose qui le dérangeait : l’absence de son, l’odeur de ses couvertures, la douceur de son matelas. Tant de chose qui contrastaient avec la dureté de l’environnement dans lequel il avait été forcé d’évoluer. Son lit était trop grand, sa chambre pas assez étroite. Le Reed avait beau lutter, il n’arrivait pas à se sentir à l’aise dans cet endroit trop grand pour lui. Ne résistant pas bien longtemps face à la frustration que lui faisait ressentir ses insomnies, le brun céda à cette derrière et décida de sortir de son lit. Attrapant son tabac à rouler ainsi qu’une feuille, il se roula une cigarette, la fenêtre ouverte en plein milieu de la nuit. Après avoir allumé sa clope, il alla s’installer dans son divan, allumant son ordinateur face à un fichier en cours de rédaction. Relisant le début de son travail, le brun ne mit pas très longtemps à taper frénétiquement les mots qui s’échappaient de ses doigts. Les phrases se formaient d’elles même alors que, à moitié réveillé, il tissait l’univers trouble d’un homme pas bien différent de lui. Un raté, un échec des temps modernes, une défaite sans hargne, un faux départ, une réussite avortée. Ses nuits étaient peut-être sombres, mais la lumière que lui offrait cette histoire était le seul phare dont il avait besoin dans ces moments là. Par contre, les journées lui étaient insoutenables. Composées d’échanges pleins de faux-semblants, de mains serrées, de bottes léchées. Archibald ne savait pas comment il arrivait à tenir la distance. Lui qui avait connu son enfer personnel, il commençait à se rendre compte que cette partie du monde n’était peut-être pas mieux que l’univers confiné dans lequel il s’était développé ces sept dernières années. Poussant un lourd soupire, il enregistra ce qu’il avait fait avant de surfer sur le net. Il ne lui fallu pas plus de quelques instants pour retrouver les noms de ses anciennes connaissances. Depuis son ordinateur portable fraichement acheté, le blond pouvait presque tout obtenir. C’est ainsi qu’il se retrouva à observer les numéros de ses amis perdus, s’il pouvait encore considéré des personnes qu’il n’avait pas vu pendant sept ans comme des amis, avant de finalement sombrer au sommeil assis dans son divan, son portable sur les jambes. Avait-il le droit de réapparaître dans la vie de ces gens qui ne lui avaient rien demandé ? Sept ans plus tard, serait il l’Archibald qu’il avait connu ou bien juste un meurtrier dont ils ne savaient rien ?Rien ne pourrait jamais le préparer à recevoir cette réponse.