But now I'm walking by myself, Out in the middle of nowhere

Elle a le cœur qui lâche. Elle bat des cils comme une adolescente touchée par l’amour. Clare était victime de cupidon. La flèche avait transpercé son âme et avait accrochée en elle, une part du frère de son meilleur ami. Elles en parlaient rarement mais elles se connaissaient si bien que l’évidence sautait aux yeux. Bran plaisait à la jeune femme. Depuis toujours. Ils se connaissaient depuis tout petit. Elle avait fait la connaissance de Lysa en cours. Malgré les deux années qui les séparaient, elle l’avait pris sous son aile. Elle était frêle et fragile et la jeune Rowe était grande et forte. Tout de suite, une certaine alchimie se créa, faisant d’elle, le duo incontournable des Hamptons. Et quand Lysa n’était pas avec elle, elle n’était pas loin de Bran. Son jumeau. Elle se souvient d’une soirée, celle où elle est tombée amoureuse de lui. Ils étaient là, ensemble. Lysa s’était éclipsée dans la cuisine et les avait laissé tous les deux. Elle le connaissait depuis des années et craquait secrètement pour lui. Mais il y a eu ce geste, si simple, si doux et inattendu.  Il se contentait simplement de replacer une mèche de cheveux pour se moquer d’elle et de sa coiffure. C’est à cet instant qu’elle sut.
C’était noël et elle était montée dans sa chambre. Elle avait besoin de respirer. Son papa lui manquait. Il avait rejoint l’armé et cela faisait plusieurs mois qu’elle ne l’avait pas vu. Elle aurait voulu qu’il soit là ce soir. C’est tout ce qu’elle souhaitait. Elle pouvait bien rendre tous ses cadeaux, si seulement elle avait la chance de pouvoir le serrer dans ses bras. Quelqu’un toqua et elle fit mine de se recoiffer dans la glace. Rien de moins crédible, elle qui s’intéressait si peu à son apparence. Bran fit passer son visage à travers l’ouverture de la porte et entra. « Tu ne descends pas ? » « J’arrive j’arrive. J’étais venue chercher mon téléphone. » « Tu sais que si tu redescends avec ça, ta mère va pas apprécier. » « J’aimerai simplement l’avoir au téléphone quelques minutes. » Si Lysa était son amie, elle se sentait tout aussi proche de Bran. Il avait ce pouvoir que peu de personne peuvent se vanter d’avoir, celui qui vous fait vous sentir en sécurité. Elle était effacé, discrète, incertaine et pourtant, il l’a toujours vu comme elle était. Sans tous les artifices que sa mère exigeait. Car depuis le départ de son père, la mère de Clare s’était plongé dans son travail et baladait sa fille à toutes les soirées mondaines de l’Amérique. Maquillage, bijoux et robes de créateurs régnaient dans la chambre de la jeune femme alors qu’au fond, elle n’était pas moins ordinaire.

« Bon Lysa, dépêche-toi. Le taxi m’attend. » « Oh ça va, on le paie, il peut bien attendre. Tu me quittes. Il faut bien que je profite encore un peu de toi. » « C’est bon, c’est pas comme si je partais à l’autre bout du monde. » Clare avait reçu sa lettre d’admission pour la NYU. Prise dans le cursus de médecine, elle était prête à entamer ses études et quittait les Hamptons pour aller s’installer à Brooklyn. Quand on lui demandait pourquoi elle voulait devenir chirurgien, elle se contentait de dire que c’était la chose à faire. C’est ce qu’elle souhaitait. On lui disait qu’elle ne serait pas assez forte, qu’elle allait craquer, qu’elle n’en était pas capable. La seule à la soutenir était Lysa. Dans ses yeux elle pouvait lire la tristesse des séparations, mes ses sourires dévoilaient une fierté qu’elle ne pouvait dissimuler. Elle avait eu son père quelques jours plus tôt, et il l’avait encouragé, contrairement à sa mère qui se contentait de quelques mots. Toujours enfermée dans son travail, elle n’imaginait pas à quel point Clare avait besoin d’elle, de sa présence. Mais elle est partit. Elle a quitté ses proches, ses amis, sa vie.

Les mains plongées dans le sang, elle sent son pouls accélérer. Interne depuis peu, elle fait face, pour la première fois, à la souffrance. Elle tremble et les médecins s’agitent autour d’elle. Elle exécute les ordres. Elle sent qu’elle va exploser mais elle se contient, elle ne lâche rien, fait des vas et viens. Elle fait tout ce qu’elle peut pour sauver la vie de cette femme face à elle. Mais les sons deviennent constants, les chocs s’enchainent et le corps inerte git sous ses yeux. Elle ne respire plus. Elle est morte. L’heure du décès est prononcée. Elle sent alors que son corps va la trahir. Elle s’enfuit, elle quitte les urgences et se réfugie dans une salle et éclate en sanglots. Sa respiration est saccadée. Le cœur lourd, la peine l’envahit et fait surgir ses peurs les plus profondes. Elle ne se sent plus capable de rien. Elle est comme impuissante face à un monde remplit de drames et de morts. Elle a appris, étudié, s’est acharnée pour sauver des vies et elle ne voit que des pleurs, des disparitions et de la haine. Elle se demande si elle est faite pour ça. Elle s’écroule sur un lit. Elle n’a plus la force. Elle est à bout.
« Scamander. Viens, il faut qu’on parle. » « J’arrive. » « C’est qui ? Ton sexy docteur ? Tu crois qu’il veut que tu deviennes sa patiente ? Si c’est pas le cas, je veux bien devenir la sienne. » « Oh arrête Lysa. » « Fais pas comme si il ne t’intéressait pas. » « J’ai pas dit ça mais bon. » « Arrête. Lance-toi et arrête d’avoir peur. Tu mérites d’être heureuse. » Ses mots étaient clairs. Elle avait guérit son cœur meurtrit par un amour qui n’était pas réciproque. Pendant des années elle s’était secrètement attachée à son frère sans jamais oser lui dire et aujourd’hui, elle était passée à autre chose. Enchainant déception sur déception, son cœur avait été brisé, broyé dans tous les sens. Beaucoup trop gentille, naïve, elle s’était perdu dans des mensonges et y avait cru. Mais voilà, ce soir il lui proposa de sortir. Hésitante, il savait manier les mots, si bien, que ses incertitudes prirent congés et elle l’accompagna toute une nuit dans un bar. Discutant de tout, surtout de rien. Tous les deux comblaient le vide par des mots afin de ne pas céder à une tentation certaine. Mais elle en tomba irrévocablement amoureuse.

Elle a le souffle coupé. Sa main s’accroche au téléphone mais c’est tout son corps qui la trahit. Elle s’écroule, se brise. L’écho de ses mots raisonne dans la pièce et ses joues porcelaines deviennent aussi blanches que de la craie. Elle reste là, inerte. Tout a été dit. Elle n’a pourtant pas ouvert la bouche. Elle s’est contentée de raccrocher. Et elle n’a pas bougé pendant plusieurs heures. Ses parents ont tenté de la faire parler, de la faire réagir mais rien. Elle était morte. C’est tout. On ne pouvait rien y faire alors elle s’est contenté de lui rendre hommage en se murant dans un mutisme interminable. On ne l’a pas vu pendant des jours. Elle ne discutait avec personne, ne voyait pas ses amis. Elle qui avait toujours ce sourire rayonnant, cette joie de vivre sans pareil était devenue aussi fade qu’une couleur sombre. Lysa était sa meilleure amie. Elle l’avait sauvé. Son ange gardien l’avait relevé à chaque chute, la guidant toujours un peu plus sur le chemin de la convalescence. Quand son père était partit, elle avait été présente, elle avait joué la sœur qu’elle n’avait jamais eu. Elle était son âme-sœur. Cette personne que l’on ne pense jamais rencontrer et qui finit par devenir une évidence au premier regard. Elle avait disparu. Elle s’était envolée et avait rejoint les anges. Clare s’était éclipsée à son tour. Elle avait fui la foule, les questions et les bons sentiments. Respirer. C’est tout ce dont elle avait besoin.
Elle n’est apparue de nouveau qu’à son enterrement. Rien de tout ça ne lui ressemblait. Les gens faux pleuraient une camarade, une connaissance. Les proches serraient les dents et se contentaient de sourire à tout le monde afin de garder un peu de fierté. Ce jour-là, elle avait mis cette jolie robe rouge que Lysa portait à son anniversaire. Elle lui avait tant cassé les pieds avec cette histoire, et elles avaient tant rit. S’imaginant des années après, avec des kilos en trop, luttant pour rentrer dans des robes qui ne leur allaient plus depuis des années. Elles n’avaient pas imaginé que la fin d’une histoire approchait et que l’autre allait devoir continuer les chapitres de toute une vie, seule. La plupart l’ont massacré à coup de critique. Comment pouvait-elle arborer un tel sourire ? Lysa était-elle vraiment son amie ? Et pourquoi porte-t-elle cette robe ? C’est un gag ? Elle devrait être en noir. Mais certains comprenaient et ce qu’elle souhaitait le plus, c’était que sa meilleure amie rit en la voyant porter cette robe un peu trop grande pour elle. Persuadée qu’elle se serait moquée d’elle si elle avait été présente, elle entretenait dans sa tête un dialogue avec sa défunte amie. C’est ce qui la faisait sourire. L’espoir qu’elle soit toujours là, dans un petit coin de son esprit.

« Je le connais depuis que je suis toute petite. On est seulement amis. Il a besoin de quelqu’un sur qui se reposer et je pense que j’en ai besoin aussi. » « Tu es toujours amoureuse de lui ? » « Bien sûr que non. » « Je pensais que tu pouvais compter sur moi. » Elle s’approcha de lui et déposa ses mains sur sa nuque avec tendresse. Sa voix se voulait rassurante et tendre. « C’est le cas. Mais tu sais.. Lysa est partit et elle a laissé un peu d’elle en chacun de nous et on a besoin l’un de l’autre pour se souvenir d’elle. Tu comprends ? » « Ouais.. peu importe. » Elle tenta de s’échapper de l’étreinte qu’elle lui offrait mais elle ne lui en laissa pas la possibilité. Glissant ses bras autour de son cou, elle déposa un tendre et chaste baiser sur sa joue. Elle l’aimait beaucoup. Ils étaient ensemble depuis maintenant trois ans. Pourtant, elle était incapable de lui expliquer la relation qu’elle entretenait avec Bran. Si loin l’un de l’autre durant des années et maintenant si proche. Ils se comprenaient. Vivait en lui, l’âme de sa meilleure amie et elle avait l’impression de la voir au coin de ses sourires. Il était le seul à comprendre le manque, la douleur et l’incompréhension qui vivaient en elle. Ce qu’elle ne lui disait pas c’est qu’au détour d’un regard, après un long silence lourd de sens, ils s’étaient embrassés. Elle sentait encore la sensation de ses mains sur sa peau, l’odeur de son parfum et le bien être d’être avec lui. Persuadée qu’elle aimait sincèrement celui qui l’accompagne depuis 3 ans, elle s’étonna elle-même d’avoir besoin de Bran pour se sentir bien. Ils avaient bu, avaient ris, s’étaient raconté des souvenirs, des ressentis. Etait-ce une erreur ou lui avait-il rendu son baiser par simple envie ? Comme elle, avait-il ressentit un bien être si grand qu’il n’aurait voulu échanger sa place pour rien au monde ?