pas maintenant, Erdman. les yeux levés au ciel, Elsie avance rapidement en direction de sa loge. Elle s'enfuit en réalité, de toute cette foule qui l'acclame et qui lui fait peur. La jeune Rowe n'est pas habituée à toute cette agitation autour d'elle, ni même à cette reconnaissance. Une fois toute la chorégraphie terminée, seule pour finir la prestation, son regard se pose sur ce public si virulent. Elle n'a qu'une envie, fuir. Partir loin de cette cohue qui selon elle, désire l'encercler, la bousculer, la malmener. Lui, il la suit, une bouteille de champagne à la main, le regard inquiet. Il sait, pour la connaitre depuis de longues années, que quelque chose cloche. Il délaisse son jeu, son arme fétiche, son charme. Il vient à son secours, c'est lui son sauveur ce soir. Elle suffoque, une main sur la poitrine, elle entre dans son antre pour la soirée avec silence et en cachant sa difficulté. De toute manière, elle est comme invisible. Elle a l'habitude de voguer à travers les couloirs, les salles bondées, les rues, sans que personne ne la remarque réellement, elle, la petite fille qui se cachait derrière les jambes de ses parents, elle, la femme qui n'a toujours pas su s'affirmer entièrement avec sa sensibilité. Mais lui il la voit, il la distingue parmi toute cette foule de visages, il remarque ses longs cheveux toujours coiffés à la perfection, il remarque toute la délicatesse de ses gestes, il sait qui elle est. Assise devant son miroir, elle plonge sa tête entre ses mains. Sa respiration se fait encore saccadée et son rythme cardiaque est toujours au plus haut. Elle les entend arriver, elle sait qu'ils sont sur le point de s'agglutiner derrière sa porte afin de lui poser milles et une questions, afin de la complimenter. Il s'agenouille, son visage est à sa hauteur. Sissi. Sa voix se fait lointaine, elle n'arrive pas à l'apaiser. Calme toi Sissi, ça va aller. Sa main recherche un appui, un support, il est là. Il lui offre son bras, son épaule, elle se réfugie contre lui. Son front appuyé contre le torse de Logan, Elsie reprend peu à peu ses esprits. Elle occulte le plus possible tous ces bruits lointains, source de tant d'anxiété pour elle. Elle ne supporte pas le jeune homme les trois quarts du temps, du moins, elle prétend ne pas le supporter. Pourtant ce soir, son seul soutient, c'est lui. Et elle en est satisfaite.


L'alarme de l'ambulance se tait, sa lumière continue de les éclairer dans cette nuit glaciale. Ils sont au pied d'une station de ski à Aspen, en fin de saison. Une agitation est de mise, les spots de lumières aveuglent quiconque se trouvant en ces lieux. Elsie se laisse emporter dans les bras de quelqu'un, elle n'y porte guère attention. Sa tête se retrouve alors au dessus d'une épaule, son menton s'y appuit. Elle ressent des tressautements de la part de cette personne, comme si elle pleurait. D'un énorme chagrin, d'une peur certaine, d'une peur réelle qui s'est en réalité, transformée en cauchemar. Elsie était dans un état léthargique, ses yeux ne vagabondaient pas, ils restaient fixés sur cette civière portant fièrement une nouvelle victime. Elsie a l'impression que cette surface rouge rit, oui, elle est fière d'avoir été appelée. Elle est fière d'être utilisée, même si le corps qu'elle transporte est couvert d'un long drap blanc. La Mort. Elle était là, Elsie la ressentait à chaque respiration, chaque battement de cœur, elle transcendait la moindre parcelle de sa peau, de son être, de son âme. Ce visage la hanterait certainement pour toujours. Celui de Lysa. Lysa.. NON Un cri. Une plainte. Une douleur perçant les côtes de la blonde. Elsie se plie en deux. Elle venait d'entendre la souffrance la plus terrible du monde, de son monde. Ce souvenir atroce lui resterait gravé en mémoire jusqu'à sa mort, surpassant tout autre moments de douleurs dans l'histoire de sa vie. Bran perdait sa moitié, une partie de lui-même, sa jumelle. Lysa. Elsie tomba à genoux, elle avait envie de vomir. Ses tripes vibraient, sa gorge se serrait pendant que sa vue se brouillait de larmes. Elle ne pensait plus à rien, elle restait devant ce spectacle effrayant de son frère perdant contrôle de lui-même. Il mourrait à cet instant, il mourrait devant le corps de sa soeur. Alors des bras le retenait comme on l'avait retenue à elle. LAISSEZ-LE ! Elle s'était relevée, sauvagement, tel une tigresse. Elle libérait Bran de ces personnes ne comprenant pas la douleur qu'il ressentait à ce moment précis, elle libérait son grand-frère de ces personnes qui ne voulaient même pas qu'il aille voir Lysa une dernière fois. A cet instant, elle savait qu'elle ne ressentait qu'une infime partie de la souffrance de Bran et cela l'effrayait. Car elle se consumait de l'intérieur, elle perdait pied. Et si elle était ainsi, elle n'osait s'autoriser à imaginer comment devait être son frère à cet instant précis. Elle n'était plus que fureur, griffant et poussant brutalement les assaillants idiots voulant empêcher Bran d'avancer vers cette civière qui les lorgnait toujours, avec un sourire goguenard.

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