Ses iris pâles se posèrent sur l’horloge accrochée dans le fond de son bureau. Depuis le départ de monsieur Burtham, la blonde avait un peu de mal à se faire à la nouvelle ambiance. Ça lui semblait largement différent. Sous l’aile de cet homme, elle se sentait en sécurité. Lui qui savait pour cette faiblesse, ce boulet qu’elle tirait avec elle depuis des années. Il avait le don de l’encadrer et de la défendre quand quelques langues malveillantes venaient à s’amuser sur son cas. Là. Il fallait qu’elle use de sa force, de son intelligence pour se prouver à ses yeux. Qu’elle fasse ses preuves. Qu’elle prouve ô combien elle était qualifiée pour le rôle qu’elle endossait. Jasmine avait les capacités. Elle avait foi en ses connaissances, il lui manquait seulement quelques bases de défense qu’elle n’avait pu acquérir sous la tutelle de ses frères. Ils avaient toujours été là pour prendre soin d’elle et c’est de cette étouffante emprise qu’elle tentait de s’extirper, ça n’avait pourtant rien de facile. Cette chaleur réconfortante qu’elle connaissait sur le bout de ses doigts.Cette emprise rassurante, mais inquiétante. Un soupir s’extirpa de ses lèvres alors qu’elle vint défaire sa chevelure. Jasmine avait un mal de crâne particulièrement gênant. Ses phalanges passèrent dans la douceur de ses cheveux pour se masser la tête quelques instant et replacer cette crinière rebelle. Son esprit divaguait dans plusieurs scénarios depuis quelques jours. S’imposer devenait de plus en plus important, la jeune femme ne pouvait plus se permettre de repousser ce moment sans cesse. Sa crédibilité était en jeu. Ses doigts s’attardèrent à ramasser quelques dossiers importants qu’elle devait lui imposer. Des affaires qu’elle n’avait pas terminé de régler avec le paternel de ce dernier avant son départ prémédité.

La blonde s’extirpa dans le couloir et fit quelques pas pour s’approcher du bureau de Brecon. Qu’elle lui parle, qu’elle lui impose ses idées devenait de plus en plus important. Son petit poing s'apprêtait à asséner quelques coups à la porte, mais deux voix féminines la stoppèrent dans son élan. Jasmine n’avait pas l’habitude de présence féminine autour d’elle alors la compétition et les rumeurs ne faisaient pas partie de son quotidien. Hadley faisait son travail. Les paroles futiles et blessantes n’avaient que peu d’importance pour elle, ca ne lui ressemblait pas de parler des autres pour s'attarder sur les points faibles. Si elle apprenait à vivre dans ce monde, elle avait du mal à se faire à celui-ci. Elle n’en restait pas moins une femme sensible et terriblement timide. « Tu sais, il paraît que Jasmine n’a pas vraiment de fiancé et c’est seulement pour se montrer intéressante.» Son cœur se serra. La pression dans son ventre se fit plus importante et elle fit un pas pour se poser de l’autre côté du mur qui se trouvait près d’elle, question de rester hors de vue. Ca n’avait rien d’aisé pour elle de comprendre l’utilité de leur comportement. La jeune femme ne mentait pas, elle avait autre chose à faire que de s’inventer une vie, que de faire semblant. Les paroles continuaient de fuser sur son sujet. Sa vie avait été composée de moquerie diverse à cause de son défaut de langage et elle devait maintenant se confronter à des femmes qui s’amusaient à la dénigrer sans raison. Ca la rendait folle de les entendre parler d’elle. Elle ferma les yeux. Ses souvenirs se percutaient, se mélangeaient pour se projeter dans le passé. Petite branche fragile dans la cour d’école sur le point de se briser sous le poids des insultes de ses camarades de classe. « Il paraît qu’elle fait ça pour attirer l’attention de Brecon.» La blonde ouvrit les yeux. D’où est-ce qu’elles pouvaient bien prendre ces foutues informations qui n’avaient rien de vraies?

Loin de s’imaginer qu’il était lui aussi en train d’écouter, loin de se douter qu'il était témoin de cette scène. Quand les voix se firent moins distinctes, elle se mit en route vers l’ascenseur qui menait vers la sortie. Son courage venait de filer, venait de lui glisser entre les doigts. Son palpitant faisait des siennes dans le fond de sa poitrine. Parce qu’elle était en colère. Parce qu’elle était triste. Un mélange de sensation qu’elle peinait à contrôler. Elle pressa le bouton. Elle voulait foutre le camp. Elle voulait partir de cet endroit pour ne plus affronter les mots insolents des quelques femmes qui travaillaient à ses côtés. Son palpitant vibrait dans le fond de sa poitrine, ses joues étaient imprégnées de cette teinte rosée et la chaleur le montait à la tête. Il fallait qu’elle se calme, qu’elle cesse de penser aux conneries qu’elle venait d’entendre. Le tintement des portes de l’ascenseur sortit la jeune femme de ses pensées et elle y entra. Une autre soirée en solitaire. L’absence de son fiancé se faisait de plus en plus pesante. Rien pour l’aider à sa calmer. Personne à qui se confier et elle n’arrivait pas à se résigner à demander l’aide de ses frères. Un pas. Elle entra dans l’ascenseur. Une autre soirée à se confronter au silence de sa demeure, ça s’annonçait amusant..