Spend my days locked in a haze trying to forget you babe.
But now I'm walking by myself, Out in the middle of nowhere
Julian lâcha un long grognement en entendant quelque chose venir se heurter contre sa fenêtre. Il vérifia l’heure sur sa montre. 3h et quelques. Comme d’habitude quoi. Il se força à se redresser dans son lit, qui était collé contre la fenêtre, et ouvrit cette dernière.
« Tu voudrais pas passer à des heures normales ? » Lâcha-t-il en se penchant vers la ruelle adjacente à son immeuble. Il n’avait même pas eu besoin de vérifier pour savoir qu’il s’agissait de sa meilleure amie en bas. Elle avait pris l’habitude de venir le réveiller en pleine nuit pour discuter et traîner dehors. Heureusement pour elle, il n’habitait qu’au deuxième étage et elle avait assez de force et de précision pour réussir à atteindre sa fenêtre avec des cailloux tous les soirs.
« Ce serait beaucoup moins drôle. » Répliqua Emma, un grand sourire aux lèvres.
« Allez, bouge tes fesses. » Ordonna-t-elle en croisant les bras autour de sa poitrine, essayant visiblement de se réchauffer. Julian soupira, plus pour la forme qu’autre chose.
« J’arrive. » Lâcha-t-il d’un ton faussement agacé avant de fermer la fenêtre. Il enfila un jean ainsi que son manteau avant de se faufiler hors de sa chambre. Il fit bien attention à ne faire aucun bruit jusqu’à être sorti de l’appartement et après ça il descendit les marches trois par trois.
« J’ai failli attendre. » Se plaignit tout de même Emma, moqueuse, en voyant son meilleur ami arriver. Julian se contenta de lever les yeux au ciel tout en allant à sa rencontre.
« Tu veux faire quoi ? » Demanda-t-il, en grande partie parce qu’Emma avait toujours une idée bien arrêtée sur ce qu’elle voulait faire de son temps. C’était aussi ce qui faisait qu’ils s’étaient toujours bien entendus, Julian, lui, ne savait jamais ce qu’il voulait faire. Ce soir là pourtant, Emma se contenta de hausser les épaules.
« J’sais pas. Je voulais juste faire un tour. » Déclara-t-elle, une pointe de tristesse dans la voix. Julian lui offrit un petit sourire en coin.
« Va pour un tour alors. » Répondit-il avant de passer un bras autour des épaules de sa meilleure amie, de la serrer contre lui et de déposer un baiser sur sa tempe. Il sentit son cœur se réchauffer en observant le sourire qu’il avait réussi à recréer sur le visage d’Emma et s’élança avec elle dans les rues new-yorkaises. Ces rues, ils les connaissaient tous les deux par cœur et ils finirent par atterrir sans y penser dans l’un de leurs coins préférés. Un petit parc en plein milieu de leur quartier, un endroit que s’était approprié les junkies, dealers et prostituées il y a bien longtemps.
« Tu vas choper la crève. » Commenta Julian en désignant d’un signe de tête l’accoutrement de sa meilleure amie. Elle portait un short en jean avec des collants noirs et un simple t-shirt trop grand pour elle.
« Mais non. » Julian leva les yeux au ciel. Il pouvait la voir trembler de froid.
« T’es vraiment bornée. Juste pour ça t’auras pas mon manteau cette fois-ci. » Elle ne se couvrait jamais assez et finissait toujours par taxer le manteau de son meilleur ami. Des fois, Julian se demandait si elle ne le faisait pas exprès juste pour avoir une raison de le lui reprendre.
« T’as aucune pitié. » Commenta Emma en venant se coller un peu plus contre lui.
« Je croyais que t’avais pas froid ? » Répliqua Julian, essayant de la forcer à admettre le contraire.
« Allez fais pas ton crevard. » Ordonna Emma en souriant avant de commencer à essayer de lui enlever son manteau de force. Julian s’écarta en rigolant.
« Va chier. » Lâcha-t-il en continuant à s’écarter, forçant Emma à courir pour le rattraper.
« Allez ! T’auras l’air malin quand je serai morte de froid. Tu survivrais pas une journée sans moi. » « Tu rêves. » Répliqua aussitôt Julian, essayant de se défendre tout en sachant qu’elle avait raison. Ils le savaient pertinemment tous les deux. Il alla s’asseoir sur leur banc favori. C’était celui où ils avaient gravé leurs initiales en étant gamins. Emma ne tarda pas à l’y rejoindre et elle revint se blottir contre lui. Il passa son bras ainsi que son manteau autour d’elle, la couvrant comme il le pouvait. Elle était frigorifiée. Il passa son autre bras autour d’elle et commença à essayer de la réchauffer.
« T’es folle. » Commenta-t-il, plus sérieusement cette fois-ci.
« Je sais. » Admit-elle dans un souffle, enfouissant son visage dans le cou de son meilleur ami. C’était comme ça qu’elle se sentait le mieux. Julian sortit une cigarette et l'alluma comme il put, profitant de la chaleur et de la nicotine avant de donner la cigarette à Emma. Les deux amis laissèrent les minutes s’écouler sans rien dire, il n’en avait plus besoin pour profiter l’un de l’autre. Ce fut Emma qui finit par rompre le silence entre eux.
« J’en peux plus de vivre ici. Je veux me barrer. » Glissa-t-elle, la voix légèrement rauque, comme si elle avait pleuré. Mais Julian la connaissait assez pour savoir que ce n’était pas son genre. Elle aurait préféré crever que de montrer le moindre signe de faiblesse. Il lâcha un bref soupir et alla déposer un nouveau baiser dans ses cheveux.
« Bientôt Em’. On partira ensemble. » Promit-il, resserrant légèrement son étreinte autour de sa meilleure amie.
~
Vendredi soir. C’était généralement le soir où Emma venait chez lui pour se mater un film dans sa chambre. C’était une tradition qui datait d’il y a trop longtemps pour que Julian puisse s’en rappeler l’origine. Et pour la première fois depuis des années, Emma n’avait pas pointé le bout de son nez. Elle avait séché les cours aujourd'hui, ce qui lui arrivait assez souvent, mais elle n’était jamais passée chez les Walcott après ça. Julian avait donc décidé d’aller la chercher lui-même, histoire de lui rappeler qu’il existait et que ça faisait trois plombes qu’il l’attendait pour pouvoir commencer le film. Il connaissait le digicode de l’immeuble d’Emma par cœur alors il rentra sans problème. Il finit par frapper à la porte de l’appartement de sa meilleure amie.
« ‘Soir. » Lâcha-t-il quand le père d’Emma vint ouvrit la porte. Il portait un marcel blanc tâché de bière ainsi qu’un boxer. La grande classe quoi. Julian ne l’avait jamais aimé, et c’était réciproque. Et pourtant le père d’Emma sourit en s’apercevant de qui était venu le déranger.
« Elle est pas là. » Lâcha-t-il avant même que Julian n’ait pris la peine d’expliquer la raison de sa venue. C’était évident après tout.
« Elle est où alors ? » Demanda-t-il, agacé. Le père d’Emma prit une gorgée de la bière qu’il avait ramenée avec lui pour ouvrir la porte avant de hausser les épaules.
« J’en sais rien. Elle s’est barrée cette nuit. » Julian fronça les sourcils. Ça ne ressemblait pas à sa Emma.
« Comment ça ? Elle m'a… » Commença-t-il à demander, mais le père d’Emma avait déjà claqué la porte. Julian grogna de frustration et se mit à tambouriner contre la porte. Une minute plus tard, ce fut la mère d’Emma qui lui entrouvrit, comme si elle avait peur que Julian puisse voir l’intérieur de l’appartement. Ou plus probablement comme si elle avait peur que son mari ne voit que Julian était encore là.
« Où est-ce qu’elle est ? » Demanda-t-il à nouveau, à court de patience. La jeune femme répondit d’une voix chevrotante.
« On ne sait pas. On ne l’a pas vue depuis hier, et elle a pris ses affaires. » Expliqua-t-elle, visiblement pas franchement sous le choc. En tout cas beaucoup moins que Julian.
« C’est pas possible. » Elle m’aurait prévenu, pensa-t-il.
« Je suis désolée. » Souffla la mère d’Emma avant de se tourner en entendant son mari hurler depuis le salon. Julian était trop sonné pour faire attention à ce qu’il avait dit.
« Désolée… » Répéta-t-elle dans le vide avant de refermer à son tour la porte.